L’émotion n’a pas de frontières

Après un mois de tourisme intensif au Pérou, nous voilà en Bolivie pour quelques semaines. Nos plans changent a peu près aussi vite que nos comptes en banques se vident (mais ne vous inquiétez pas, on n’est pas en galère non plus). Finalement on va surement oublier le Chili et l’Argentine pour mieux revenir plus tard avec plus de temps, sans doute avec un camion qui permettra de profiter le mieux possible de ces énormes étendues désertes au nord et enneigés au sud.

Enfin bref, ces préoccupations de voyageurs ne sont que peu importantes comparées à ce qui se passe en France et dans le monde en ce moment. Et oui, – merci Internet et la télévision – même à quelque 10aines de milliers de km on se tient au courant et certains évènements nous touchent. Pas besoin rappeler ce qu’il s’est passé, cher visiteur, tu sais évidemment de quoi je parle. Je ne pense pas que la distance permette plus de recul, mais cela permet au moins de contrôler à peu près quelles informations nous parviennent et vers lesquelles on veut aller. Ce qui, en ces temps d’émotions extrêmement fortes relayées en premier lieu par les médias puis repris par toute une population, n’est pas négligeable.IMG_0438

Alors que dire de ces évènements en étant à la fois très proche et à la fois très loin de tout ça. Je dirais bien « Je suis Charlie », comme nous l’avons écrit sur la pancarte exhibée au Machu Picchu. Mais ces trois mots représentent tellement de choses contradictoires que je n’ai plus envie de m’en revendiquer. Nous avons tous agit sous le coup de l’émotions sans vraiment réfléchir posément aux tenants et aux aboutissants de cette histoire. Sans compter le fait que cela occulte complètement TOUT ce qui se passe ailleurs dans le monde. Les 200000 morts Syriens (et je ne relève même pas les déplacés, les réfugiés et les disparus), les manifestations violemment réprimés en Espagne, les massacres en Afrique et j’en passe… A qui cela sert-il et à qui cela dessert-il ? J’ai envie de répondre que cela sert évidemment au pouvoir en place, au gouvernement, qui peut, sous couvert d’un évènement extrêmement violent, contrôler de plus en plus les populations en augmentant la ‘’sécurité’’ du pays. Petit rappelle, une lois (lois de programmation militaire) à été voté en novembre 2014 et renforçait déjà les pouvoir militaires et de police, créait l’absurde ‘’entreprise terroriste individuelle’’, permettait aux pouvoirs administratifs (et non juridique…) de fouiller le net à la recherche de possibles passages sur des sites faisant l’apologie du terrorisme, etc… Et que se imagespasse-t-il aujourd’hui ? Sous le coup de l’émotion, le gouvernement fait passer une série de lois encore plus répressive… A quoi bon ? Leur loi de programmation militaire a-t-elle empêché qu’il y ait 12 morts dans les bureaux de Charlie Hebdo (dont le redac chef était quand même sous protection policière 24/24). A-t-elle empêché qu’il y ait 2 prises d’otages dans les 2 jours suivant cette attaque perpétrée dans les locaux du journal ? A-t-elle empêché ces deux hommes, pourtant sur la ‘’no flight list’’ des Etat-Unis de se procurer des armes de guerres ? Rien de tout ça ! Et pourtant ils s’entêtent à faire des lois encore plus sécuritaires. Simplement pour augmenter le contrôle sur la population et empêcher les gens de réfléchir sur leur condition, ou en tout cas renforcer le cadre dans lequel on évolue depuis quelques dizaines d’années. Le pouvoir en place, et je ne parle pas du ou des gouvernement(s) mais bien de ceux qui tiennent vraiment les reines (finances, pétrole, données personnelles, …) Cabusent qu’il commence à y avoir de plus en plus de lest. Ils perdent le contrôle car les populations se rendent compte que ce système n’est pas viable. Mais notre système de croyance est tellement ancré qu’il y est vraiment difficile de s’en détacher. Alors un attentat comme celui là permet d’attiser les peurs, et quand on a peur on agit seulement dans le cadre de ce que l’on connaît et qui nous sécurise. Le cadre matériel, le partage de la peine avec toute une population. Les pires des guerres ont pourtant commencées sans vraiment d’ennemis mais avec un rassemblement énorme motivé par l’émotion. Faisons donc très attention à ce qui nous motive. L’émotion ou l’envie de changer les choses vers plus de justice de liberté et de respect ? Il n’y a que la deuxième partie qui peut permettre de faire émerger du bon. L’émotion, bien qu’elle soit salutaire ne peut être que personnelle ou restreinte à un petit nombre de personne. L’émotion partagée par le plus grand nombre finit obligatoirement par être dangereuse. D’autant plus en ces temps où la terreur n’est associé qu’a ‘’l’islam radical’’. L’ennemi est déjà désigné, sauf que cet ‘’ennemi’’, à cause des mots utilisés pour le définir, en vient à se confondre dans la tête des gens les plus fragiles, avec des peuples, et une religion qui est aussi extrémiste que n’importe quelle religion dans le monde ! Ne nous trompons pas de cible. Le « terrorisme » pour reprendre les mots qui font peur, n’est que la manifestation de l’ultra-violence du système de concurrence mondialisée ultra-liberaliste dans lequel nous évoluons et avançons de plus en plus. Alors comment voulez-vous en finir avec des conséquences sans s’attaquer aux causes ? Les conséquences réapparaissent toujours si les causes ne sont pas modifiés, voire détruites. Je ne dis pas que la violence disparaitra si notre société change. Mais peut etre aura-t-elle d’autres formes moins mortelles, plus faciles a gérer ensemble. Qui sait ? De toutes façons, il faut vivre au présent pour que les choses changent, parce que le futur n’a pas d’existence propre et ne peut donc jamais changer ni évoluer.

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Bref tout ça pour en venir au fait que l’émotion partagée par le pus grand nombre est mauvaise conseillère bien qu’il faille qu’elle soit vécu. Et même à l’autre bout du monde, on l’a bien vécu. Maintenant il est temps de la laisser un peu de coté et de tirer les conséquences de tout ce qui est arrivé, à tous les niveaux. Politique, populaire, économique, médiatique…

Cet évènement, pour moi, n’est pas arrivé par hasard. Sans tomber dans la théorie du complot, il m’apparaît un peu gros que deux mecs aient pris la décision, seuls, d’attaquer les bureaux d’un journal satirique, dont certains liens avec le pouvoir sont un peu troubles. D’autant que le discours de ce journal était pour moi en équilibre branlant sur un fil, à la limite du racisme. D’autant que la stigmatisation de la religion musulmane explose depuis cet évènement. D’autant que faire un attentat avec sa carte d’identité, en plein Paris sans se faire arrêter, puis faire une prise d’otage à près de 80 km de Paris le lendemain, en se faisant tuer, me paraît quelque peu douteux.

Je ne connais pas l’histoire exacte de ces évènements. Et je n’ai même pas envie d’en savoir plus que le seul fait qu’une 15aine de personnes soit mortes. La seule chose que nous devons tous faire, c’est prendre du recul par rapport à nos émotions et ne pas se laisser emporter par des simplifications qui divisent les gens. Ne soyons pas non plus trop soudés les uns aux autres, car les mouvements de foules peuvent être dangereux, bien que parfois salutaires.

Il est aussi temps de prendre conscience de ce qu’il se passe dans le monde et pas seulement dans les bureaux de Charlie Hebdo.

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Pensons au terrorisme d’Etat effectué en Syrie depuis près de 4 ans sans que personne ne lève le petit doigt, à part des associations dont on peu saluer l’énorme travail,

Pensons aux massacres en cours au Nigeria,

Pensons aux violences policières en Espagne,

Pensons aux conflits en Ukraine,

Pensons à ces enfants du monde entier qui peinent à se nourrir, à se vêtir et qui survivent comme ils peuvent,

Pensons à toutes ces femmes violentées par leur conjoint (et aussi à ces hommes violentés par leur conjointe)

Pensons à toutes ces violences inutiles perpétrées chaque secondes dans ce monde qui survie de ces propres ruines.

Et en pensant à tout ça, créons aujourd’hui le monde respectueux, libre et humain que nous voulons pour demain et de la façon la plus non-violente possible…

 

 « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’un ni l’autre et finit par perdre les deux ». Benjamin Franklin

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